Trump entre le Dollar et le Bitcoin

Le chantage de Donald Trump pour forcer le monde à commercer en dollars est-il incompatible avec sa promesse de créer une réserve stratégique de bitcoins ?

Quiproquo ?

Les menaces de Donald Trump ont fait jaser ces derniers jours. Le prochain président des États-Unis prévient que les pays qui refusent le dollar doivent s’attendre à des taxes douanières punitives :

« L’idée que les pays des BRICS puissent prendre leurs distances vis-à-vis du dollar pendant que nous restons les bras croisés est terminée. Nous exigeons de ces pays qu’ils s’engagent à ne pas créer une nouvelle monnaie, ni à soutenir une autre monnaie pour remplacer le dollar, faute de quoi ils seront soumis à des droits de douane de 100 %. Cela signifie qu’ils pourront dire adieu à leurs exportations vers les États-Unis. Qu’ils se trouvent un autre pigeon ! Il n’y a aucune chance que les BRICS remplacent le dollar dans le commerce international. Tout pays qui s’y essaiera devra dire adieu à l’Amérique. »

Pour certains, ces déclarations contrastent avec sa promesse de créer une réserve stratégique de bitcoins. C’est le cas du professeur Jeremy Siegel qui voit là une antinomie flagrante :

« Je trouve le tweet de D. Trump très curieux dans le sens où je pense que la plus grande menace pour le dollar en tant que monnaie de réserve est le bitcoin, dont Donald Trump est un fervent partisan. Il semble donc un peu étrange de leur empêcher d’utiliser une monnaie de réserve alternative alors que de nombreux pays considèrent le bitcoin comme tel. »

Il faut, pour y voir plus clair, expliquer pourquoi les États-Unis tiennent absolument à ce que le commerce mondial se fasse dans leur monnaie. Cela est si important que Washington serait apparemment prêt à s’isoler des BRICS.

Le privilège exorbitant

Donald Trump n’a pas toujours été au courant des avantages colossaux qu’offre le dollar. Il croyait encore en 2016 que la fin de l’étalon-or avait affaibli les États-Unis. Les conseillers du bureau ovale lui ont depuis expliqué que le système du pétrodollar est en réalité la pierre angulaire de l’empire.

Tout a commencé en 1974 lorsque Henry Kissinger força les pays de l’OPEP à vendre leur pétrole exclusivement en dollars. Le pétrole étant déjà indispensable à toute économie avancée industrialisée, le dollar resta la monnaie pivot malgré la fin du Gold Standard (1971). L’accélération de la mondialisation consolidera encore plus son hégémonie. C’est-à-dire que la quantité de dollars gardés en réserve par le monde entier augmenta rapidement.

Ces réserves atteignent aujourd’hui près de 7 000 milliards de dollars. C’est autant d’argent que les nations exportatrices ne convertissent pas dans leur propre monnaie. Il en découle le fameux privilège de jouir d’une balance commerciale chroniquement déficitaire sans que sa monnaie ne s’effondre.

L’autre avantage est la facilité à s’endetter puisque les banques centrales étrangères placent leurs réserves dans les bons du Trésor US pour engranger des intérêts.

Cinquante ans plus tard, 36 % de la dette publique mondiale est américaine. En sachant que les Américains ne représentent que 4 % de la population mondiale…

Il faut sauver le billet vert

La lumière étant faite sur les gras bénéfices offerts par le dollar, examinons le rapport de force avant d’en revenir au bitcoin.

Les BRICS représentent près de la moitié de la population mondiale (46 %), contre un peu moins de 10 % pour le G7 (États-Unis, Canada, Japon, Royaume-Uni, Allemagne, France et Italie). Même tendance concernant le PIB :

« Les BRICS sont plus importants que le G7 en termes de PPA (parité de pouvoir d’achat). Il n’est donc pas évident que les États-Unis puissent remporter un bras de fer douanier avec la Chine compte tenu de leur force industrielle. »

Entre autres métriques, le club est responsable d’environ 25 % des exportations globales. Il produit 43 % du pétrole et possède 44 % des réserves mondiales. C’est respectivement 35,5 % et 53 % pour le gaz. Autre donnée très intéressante, la Chine est le premier partenaire commercial de plus de 120 pays.

En outre, Pékin a le monopole de l’extraction et du traitement des terres rares. Si l’extraction des minerais a lieu un peu partout autour du globe (par exemple : 50 % du nickel en Indonésie, près de 75 % du cobalt en RD Congo, plus de 75 % du lithium en Australie et Chili), la Chine contrôle plus de la moitié du raffinage mondial d’aluminium, de lithium et de cobalt. C’est même 90 % en ce qui concerne les terres rares et le manganèse, ou encore 100 % pour le graphite.

En résumé, même si l’occident possède un levier important au travers de la technologie des semi-conducteurs, les BRICS ont de quoi riposter. Face à la menace douanière de Donald Trump, l’ambassade russe en Éthiopie a tweeté :

« Allez-y, la hausse des prix qui en résultera pèsera lourd sur le pouvoir d’achat des Américains. America first ? ».

Le plan B

Les BRICS sont très inquiets depuis le « gel » de plusieurs centaines de milliards appartenant à la Russie. Des milliards qui, soit dit en passant, se constituent essentiellement d’euros, et non pas de dollars…

C’est donc le vieux continent qui sera dans le collimateur si cet argent n’est pas rendu. Ce serait le coup de grâce après s’être déjà coupé du gaz russe pour acheter celui des États-Unis, beaucoup plus cher.

La Chine et d’autres pays comme l’Arabie saoudite craignent d’être les prochains sur la liste. L’Empire du Milieu détient tout de même 800 milliards de bons du Trésor US.

La défiance vis-à-vis de la monnaie américaine est telle que le Wall Street Journal révélait en 2023 que Washington cherchait activement à obtenir des garanties que l’Arabie saoudite vendrait son pétrole en dollars – et non en yuans chinois – comme condition à tout accord de normalisation avec Israël.

Mais on voit mal comment les BRICS pourraient faire marche arrière. Tôt ou tard, la Chine achètera le pétrole saoudien en yuans. Face à la dédollarisation, les États-Unis n’auront d’autre choix que de réduire leur déficit commercial, ce qui passe par une augmentation des taxes douanières.

Dans ce scénario, le monde aura besoin d’une nouvelle monnaie pivot et le bitcoin apparaît de plus en plus comme une évidence. Ses atouts sont nombreux.

Il est apatride. Utiliser le bitcoin comme monnaie de réserve internationale permettrait à toutes les nations de commercer à armes égales. Fin du privilège exorbitant.

Le bitcoin est par ailleurs une monnaie en même temps qu’un réseau de paiement décentralisé, deux-en-un. Impossible de confisquer les réserves d’une nation qui ne s’alignerait pas sur votre politique étrangère.

Enfin, sa masse monétaire est capée à 21 millions d’unités. Cette percée technologique en fait la meilleure réserve de valeur de l’histoire de l’humanité.

Le bitcoin est inéluctable. Créer une réserve de bitcoins avant tout le monde permettrait aux États-Unis se sauver la face.

https://twitter.com/BitcoinNewsCom/status/1864098239844081772

Donald Trump lui-même a dit qu’il se servira de l’appréciation du bitcoin pour rembourser les dettes de l’Amérique vis-à-vis de l’étranger.

Ne manquez pas notre article : « Les mineurs américain invoquent le bitcoin face à la dédollarisation ».

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